Pieter Vancamp, jeune chercheur INRAE, présente son projet

Pieter Vancamp, jeune chercheur INRAE, présente son projet

Pieter Vancamp, nouveau jeune chercheur INRAE au sein de l'UMR PhAN, présente son projet de recherche autour de la malnutrition pendant la gestation et les conséquences sur le neurodéveloppement.

 

peter vancamp

L’alimentation parentale façonne le développement in utero du cerveau des enfants

Les régimes alimentaires contemporains, notamment ceux trop riches en sucre et en graisses ou pauvres en protéines, pendant les 1 000 premiers jours de la vie—de la conception à l’âge de 2 ans—peuvent avoir des effets durables sur la santé à long terme. Des données épidémiologiques obtenues par exemple sur les individus nés de mères dénutries ou au contraire en excès calorique, ainsi que celles issues de la recherche expérimentale montrent que des régimes inadéquats pendant la grossesse peuvent prédisposer à des problèmes métaboliques plus tard dans la vie, tels que l'obésité et le diabète de type 2. Cette compréhension a transformé notre manière de penser ces maladies : elles ne sont pas uniquement liées à une surconsommation ou à un manque d'exercice—elles ont probablement une origine intra-utérine. En résumé, si les parents s’alimentent mal, le risque d’apparition de troubles métaboliques chez leurs enfants est accru. Ce concept, connu sous le nom d'Origine Développementale de la Santé et des Maladies (DOHaD), a été introduit dans les années 1980 par un médecin anglais, le Dr David Barker grâce à ses études sur des individus nés pendant des périodes de famine. Des données récentes montrent que ce concept dépasse le seul rôle de la nutrition maternelle et que le père peut, lui aussi, transmettre une prédisposition au risque métabolique.

Aujourd’hui, une attention particulière est portée sur l’impact des régimes alimentaires occidentaux pauvres en nutriments essentiels (acides aminés, vitamines…) mais gras et sucrés (on parle de « calories vides ») sur les jeunes hommes et femmes en âge de procréer et, par extension, sur leurs enfants. En effet, un problème sociétal majeur est la hausse des taux d’obésité dans la population, notamment chez les enfants et les adolescents. Par exemple, en France, les taux d’obésité sont passés de 2,1 à 9,2 % chez les 18-24 ans et de 5,5 à 13,8 % chez les 25-34 ans entre 1997 et 2020. Les interventions médicales telles que les médicaments contre la perte de poids ou la chirurgie bariatrique comportent des risques et donnent des résultats mitigés, tandis que les campagnes éducatives sur l'alimentation et l'exercice physique montrent souvent des succès limités à long terme. Cela n'est pas surprenant—nos cerveaux sont biologiquement programmés pour rechercher des aliments riches en calories et savoureux sans que nous en soyons conscients, ce qui rend difficile de compter uniquement sur la "force de la volonté" pour perdre du poids. Les recherches suggèrent que la gestion de l'appétit et du poids par notre cerveau est en partie façonnée pendant le développement fœtal, perpétuant un cycle difficile à briser.

Parallèlement, une tendance croissante se dessine en faveur des régimes à base de plantes, comme le végétarisme et le véganisme, motivée en partie par des préoccupations environnementales et des efforts pour atténuer le changement climatique. Bien que ces régimes soient généralement sains, certaines variantes peu diversifiées peuvent conduire à des carences en certains nutriments, comme des acides aminés essentiels nécessaires pour répondre aux besoins accrus lors du développement du bébé. Jusqu'à présent, nous ne savons pas suffisamment comment certains régimes restrictifs à base de plantes affectent le développement fœtal, en particulier le cerveau. Cette absence de consensus se reflète par ailleurs par des recommandations alimentaires divergentes d’un pays à l’autre.

Les stratégies actuelles pour combattre les maladies métaboliques chez les adultes ont montré des succès limités. Alors, pourquoi ne pas traiter le problème plus tôt ? En améliorant la nutrition pendant la grossesse, nous pourrions prévenir ces problèmes avant qu'ils ne se développent. Les mécanismes cérébraux qui contrôlent l’appétit et l’utilisation de l’énergie se forment en grande partie avant la naissance, ce qui offre une fenêtre d’opportunité cruciale pour intervenir. Une fois cette fenêtre passée, il devient beaucoup plus difficile de régler les problèmes. Cette approche met l'accent sur l’amélioration de la santé des parents avant et pendant la grossesse, ce qui pourrait interrompre le cycle de transmission intergénérationnelle des risques métaboliques.

Des organisations telles que l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et INRAE considèrent déjà la santé parentale et la nutrition périnatale comme des priorités essentielles. Mais pour avancer concrètement, nous avons besoin de recherches plus poussées pour comprendre les impacts précis des régimes inadéquats ou déséquilibrés sur le développement du cerveau fœtal. A quel moment et dans quel contexte les évènements impliqués dans la formation de la capacité du cerveau à réguler l’apport alimentaire et les dépenses énergétiques commencent-ils à dysfonctionner ? Quels nutriments sont essentiels à certaines étapes clefs du développement ? Des interventions nutritionnelles ciblées peuvent-elles renverser ou prévenir ces problèmes ? En répondant à ces questions, nous pouvons développer des stratégies nutritionnelles basées sur des preuves pour protéger les générations futures et contribuer à un avenir plus sain et durable.

Grâce à mon expertise dans le domaine du développement cérébral fœtal et mes compétences en techniques de recherche avancées, je suis déterminé à relever ces défis. A présent jeune chercheur INRAE dans l’unité PhAN, engagée depuis 20 ans dans la DOHaD, je suis ravi de pouvoir faire avancer cette recherche essentielle. Ensemble, nous pouvons innover pour garantir la santé des générations futures.

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